Boycotter le Mondial est « démagogique et opportuniste » pour l’économiste Vincent Chaudel

14 novembre 2022 à 7h01 par Guillaume Pivert

Le Khalifa Stadium de Doha.
Le Khalifa Stadium de Doha.
Crédit : Kirill KUDRYAVTSEV / AFP

Le fondateur de l’observatoire du sport business souscrit aux critiques faites sur l’organisation de la compétition au Qatar tout en soulignant que les Occidentaux « donnent la leçon alors qu’ils sont loin d’être irréprochables ».

La coupe du monde de football démarre le 20 novembre. Une compétition décriée depuis des années et plus encore depuis quelques semaines en France. L'événement est un non-sens écologique et l’organisation s’est assise sur les droits de l’Homme. De nombreuses villes, comme Paris, Marseille, Orléans, Bordeaux, Angers ont en opposition, décidé de le boycotter en refusant d’installer des fanzones comme c’était le cas en 2018.

Une décision critiquée par Vincent Chaudel.  « Les fanzones n’auront pas le même succès que si la coupe du monde avait lieu en juin, c’est assez facile pour les mairies de prendre une position contre le Qatar et de la matérialiser par l’absence de fanzone, c’est surtout un moyen de réduire les coûts d’installation et de service de sécurité », estime l’économiste, fondateur de l’observatoire du sport business.

 

« Les Occidentaux ne sont pas irréprochables »

 

Selon lui, « le boycott est opportuniste, démagogique et pas nécessairement réaliste d’un point de vue économique ». Vincent Chaudel fustige une position qui « va dans le sens du vent » alors qu’en tant « qu’Occidentaux, nous sommes loin d’être irréprochables, on donne la leçon au monde entier sur des aspects que l’on a pratiqués ». Citant par exemple, l’ex premier ministre britannique Tony Blair accueillant sa chambre d’hôtel des officiels la veille du vote de l’attribution des JO de 2012 ou encore la corruption en marge de la coupe du monde de football en Allemagne en 2006. « Franz Beckenbauer a été soupçonné pour cela », rappelle Vincent Chaudel. L’ancien capitaine de la Mannschaft aurait versé plus de 8 millions d’euros à un ancien responsable qatari de la Fifa pour s’assurer de l’attribution de la compétition à l’Allemagne. Des faits pour lesquels il n’a jamais été poursuivi en raison de la prescription.

 

Au-delà de la corruption, le Qatar est critiqué pour le sort réservé aux ouvriers sur les chantiers. Pour certains l’Eldorado s’est transformé en tombeau. 6000 sont morts selon Amnesty International. Vincent Chaudel pointe lui du doigt la responsabilité des entreprises étrangères. « Ces personnes étaient employées non pas par le Qatar mais par des entreprises qui avaient gagné des appels d’offre. Le droit du travail ne correspond pas à nos normes, va-t-on se porter candidat à des appels d’offres, en maintenant nos conditions notamment en termes de sécurité? On ne peut pas exclure notre part de responsabilité quand ce sont nos entreprises qui ont employé cette main-d’œuvre ». La semaine dernière, on apprenait d’ailleurs que Vinci était poursuivie pour travail forcé et traite d’être humains. Selon l’ONG Sherpa, les ouvriers travaillaient entre 66 et 77 heures par semaine pour un salaire ridicule et vivaient dans des conditions insalubres.

 

« Des stades chauffés en Europe »

 

Selon Vincent Chaudel, le bilan carbone de la compétition est aussi à reconsidérer. « Quand on pointe du doigt les stades climatisés qataris, on oublie que dans nos stades on met des rayons UV pour aider la pelouse à pousser, on a des loges chauffées ». L’économiste rappelle aussi que le pays a construit plus de 35000 hébergements en dix ans. Des chambres d’hôtel qui seront remplis par les supporters venus du monde entier en avion. Et justement à ce propos, l’économiste trouve que la mémoire des Occidentaux fait des siennes. « On oublie qu’en 2021, l’Euro de football s’est joué dans douze pays, ça n’a gêné personne ( de faire autant de déplacements)», juge-t-il.

 

Et Vincent Chaudel de conclure : « je n’ai pas eu l’impression qu’on ait beaucoup parlé des faits de corruption pour l’attribution de la Coupe du monde en Russie, on a parlé du Tibet et des Ouighours en Chine mais peu parlé des conditions de travail sur les chantiers ». Le fondateur de l'observatoire du sport business termine : « c’est la première fois que le monde arabe va accueillir une grande compétition, et on ne cesse de lister des défauts qui existent par ailleurs dans des proportions différentes ».

Retrouvez l'interview en intégralité ci-dessous :