PMA pour toutes : « Ce n’est pas une solution par dépit »

19 octobre 2023 à 6h00 par Hugo Harnois

Une femme enceinte - Photo d'illustration
Une femme enceinte - Photo d'illustration
Crédit : Pixabay - Libre de droit

La PMA (Procréation Médicalement Assistée) a été ouverte aux couples de femmes ainsi qu’aux femmes célibataires en août 2021. Parmi ces dernières, Pauline Milliot, une Angevine âgée de 39 ans, a bien voulu témoigner.

Cela faisait près de 20 ans qu’elle désirait avoir un enfant, mais elle n’a pu accomplir son souhait que récemment. D’une voix toujours calme, appliquée et réfléchie, Pauline Milliot a bien voulu témoigner pour raconter son parcours de vie. Le chemin d’une femme célibataire qui a (presque) toujours voulu avoir des enfants, mais en dehors des « normes » que la société lui imposait.

 

Un désir profond

Dès l’âge de 20 ans, Pauline avait « déjà très envie d’avoir des enfants ». Se définissant comme hétérosexuelle, « mais pas forcément au sein d’un couple avec un homme », elle sait que cette situation « pouvait paraître étrange pour certains ». À cette époque, donc, l’Angevine se dit qu’il va falloir « trouver une ou des solutions pour avoir des enfants, mais pas de manière conventionnelle. »

Les années passent, Pauline arrive sur sa trentaine et son idée de devenir maman reste à son esprit durant toute cette période. Elle demande d’abord de l’aide à quelques amis proches, de manière non-officielle. Mais les retours de ces derniers sont tous les mêmes : « ils m’ont répondu, à juste titre, qu’ils ne se sentaient pas de se lancer là-dedans. »  

 

Mam'en solo : "un espace d'échanges"

L’horloge continue de tourner, Pauline a maintenant 35 ans, commence à avoir la pression, et lorgne vers l’étranger : « ça me plaisait moyennement, le coût était important, il fallait être très disponible pour s’y rendre, quasiment du jour au lendemain, et avec mon métier c’était difficile ». En effet, l’Angevine est responsable d’une micro-crèche. Les enfants ne semblent jamais très loin d’elle.

En parallèle, la trentenaire découvre « par hasard » vers 2020 « Mam’en solo » sur Facebook. L’association sert à mettre en lumière et à aider les femmes qui suivent un parcours de maternité en solo. Le groupe est composé majoritairement de célibataires, mais aussi de quelques femmes en couple, même si « ce n’est pas la démarche première », assure l’intéressée. Grâce à de nombreuses discussions proposées par l’association, Pauline a pu y voir plus clair, « car dans ce parcours, surtout avant que la loi ne change en France, les choses étaient très nébuleuses, un peu tabou, et cachées. » Elle évoque sur « Mam’en solo » un « espace d’échanges ouvert, précis, concis et bienveillant, car c’est un sujet dont on ne peut pas parler à tout le monde, malheureusement, même si on voudrait. » Un espace, enfin, qui lui permet de trouver des réponses à ses « très nombreuses questions ».

 

Été 2021 : "banco, on y va"

Nous arrivons à l’été 2021, saison qui bouleverse le quotidien de Pauline et d’autres Françaises, puisque la PMA pour toutes est autorisée. Au même titre que les couples souffrant de problèmes de fertilité, les couples de femmes et les célibataires sont prises en charge à 100% par la Sécurité sociale. Pour l’Angevine, c’est le déclic : « j’avais 37 ans, je me suis dit banco, c’est le moment où jamais, on y va. » Après avoir finalisé son dossier au bout d’un an, la responsable en micro-crèche avoue avoir eu « un moment de panique » en septembre 2022. Elle poursuit : « on était au pied du mur, j’ai eu peur, et je leur ai demandé si on pouvait attendre octobre ». Après plusieurs inséminations artificielles qui n’ont pas marché, l’Angevine est finalement enceinte en avril dernier.

Comme n’importe quelle autre femme enceinte, Pauline avoue avoir ressenti « des appréhensions », particulièrement « au départ de la grossesse ». Elle explique que « d’une idée théorique qu’on a en tête depuis 10-15 ans, ça devient quelque chose de concret. C’est un peu le saut dans le vide ». Mais aujourd’hui, à trois mois de la naissance de son enfant, celle qui se dit bien entourée se sent « plus confiante ».

 

Stress / Optimisme

Même sentiment éprouvé au sujet des questions financières liées à l’arrivée d’un nouveau-né. Touchant chaque mois un salaire légèrement au-dessus du Smic, l’Angevine considère avoir la chance d’habiter en France et de pouvoir être aidée par l’État. « Je me suis dit qu’il ne fallait pas que ma situation financière soit un frein à ce projet », médite « la reine du système D ». Là encore, c’est l’optimisme qui prend le pas sur les inquiétudes : « honnêtement, je pense que si on se débrouille bien avec des petites combines à droite à gauche, on peut s’en sortir ».

Pour justifier ce désir de vouloir un enfant seules, certaines femmes évoquent la hantise de devoir supporter une charge mentale trop importante, et devenir d’un coup maman pour deux personnes : leur enfant, et leur conjoint. Une vision que ne partage pas la référente en micro-crèche : « il y a sûrement des hommes qui ne font pas grand-chose, mais il y en a aussi des très impliqués. Ce n’est pas parce que c’est un homme qu’il sera forcément un enfant supplémentaire à materner, c’est réducteur pour son image ».

 

"Ma joie et mon bonheur, c’était d’avoir un enfant seule"

Si elle a toutefois bien conscience de certaines difficultés auxquelles ses amies peuvent être confrontées dans leurs quotidiens, Pauline confesse une raison tout à fait différente : « moi dans mon parcours personnel, j’ai eu des problématiques avec certains hommes, en particulier autour d'abus sexuels durant l'enfance et l'adolescence. C’est surtout cette situation qui m’a conduite à la parentalité en solo. » Qu’on ne s’y trompe pas, l’Angevine s’est tournée vers ce choix par conviction : « ce n’est pas une solution par dépit. Dans mon schéma, ma joie et mon bonheur, c’était d’avoir un enfant seule. »

La future maman l’a dit, elle est bien soutenue par son entourage. Néanmoins, tout n’a pas été facile quand elle a dû apprendre la nouvelle à sa famille, de confession catholique. Si son frère et sa sœur ont été « très soutenants », cela a été un peu plus difficile pour sa mère, pour qui sa « première réaction a été de s’inquiéter, même si elle est aujourd’hui très heureuse. » Son père, en revanche, a eu « une réaction assez conservatrice sur le sujet, c’était assez étonnant de sa part. »  

 

À l'origine

Partager la vie d’une femme qui a déjà un enfant peut faire fuir certains hommes. Mais Pauline n’est pas effrayée quant à l’éventualité de se mettre en relation à l’avenir : « ma vie n’est pas accès autour du couple, ce n’est pas quelque chose qui me manque ». Et, si jamais elle tombe sur une personne qui l’intéresse, elle préfère être très honnête : « c’est peut-être un peu candide de ma part, mais si un homme était prêt à s’investir et qu’il n’acceptait pas l’enfant qui est avec moi, j’estimerai que ce n’est pas une relation qui vaut le coup. »

Enfin, cela a été l’un des points de crispation les plus importants de ce débat autour de la PMA pour toutes : les origines paternelles de l’enfant. L’article 342-9 du Code Civil est clair : « en cas d'assistance médicale à la procréation nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de l'assistance médicale à la procréation. »  

En d’autres termes : l’enfant de Pauline ne saura pas qui est son père. « La seule ligne de conduite, ce sera la vérité telle qu’elle est, telle qu’elle existe, telle qu’elle s’est faite. Avec des mots appropriés, je lui parlerai avec beaucoup d’amour et de bienveillance de qui il est, d’où il vient. Hors de question d’avoir un discours enjolivé », assume la future maman, qui est sûre « à 99% » qu’elle sera confrontée à cette problématique. Elle ajoute qu’un « enfant est tout à fait en droit, et ça paraît légitime, de reprocher à son parent le manque de l’autre parent, l’absence d’accès à ses origines. Je m’attends un moment ou à un autre à cette colère. Au moment où cela surviendra, j’essaierai de trouver les mots justes », conclut-elle, avec, toujours, ce mélange de sagesse et de force tranquille dans la voix.