Journée sans portable : prêt à relever le défi ?

6 février 2024 à 6h00 par Hugo Harnois

Les 13-18 ans passeraient 7 heures par jour derrière un écran
Crédit : Pexels

Nous sommes le mardi 6 février, journée mondiale sans téléphone portable. L’occasion d’interroger un maître de conférence en sciences de l'information et de la communication, également enseignant à l’USEO d’Angers, en s’interrogeant sur notre dépendance au smartphone au quotidien.

À la première question posée à Stéphane Blocquaux pour savoir comment notre rapport au smartphone a évolué au fil des ans, le maître de conférence répond par ce mot : « l’omniprésence ». Pour aller plus loin, le chercheur prend du recul en nous rappelant que « la première étape » du téléphone était « quelque chose d’intéressant. Nous avions un compagnon qui était capable de téléphoner, on pouvait se joindre et s’affranchir des cabines téléphoniques. » Mais ensuite, ces engins sont devenus multifonctions, où la raison d’être du portable (téléphoner) commençait peu à peu disparaître. « On s’appelle peu, en revanche on s’envoie des photos et on communique en permanence via des applications », appuie l’enseignant angevin.

 

"C’est l’objet qu’on caresse, qu’on touche et qu’on chouchoute le plus dans notre journée"

À en croire une étude menée par des chercheurs canadiens et dont les résultats ont été publiés au mois de novembre 2023, près d’une personne sur trois aurait un risque élevé d’addiction au smartphone. Une conclusion partagée par Stéphane Blocquaux, qui revient sur la multiplication d’options proposée par nos téléphones : « tout cela fait exploser le temps passé sur nos écrans. Le portable est un objet aujourd’hui de captation de l’attention, on est au service de notre téléphone. Nous en sommes esclaves et on doit en prendre le plus grand soin. On doit le recharger en permanence, il vibre régulièrement pour montrer qu’il existe. C’est l’objet qu’on caresse, qu’on touche et qu’on chouchoute le plus dans notre journée. »

Cela ne veut pas dire que le téléphone est un outil malveillant, au contraire. Il peut s’avérer « un formidable outil de lien social qui évite l’isolement, et permet de contacter n’importe qui, n’importe comment ». Même si, avec son apparition, « on est devenu hyper dépendant. Par exemple, quand on enlève Waze, on ne sait plus où on va. »

 

Les 13-18 ans passeraient en moyenne 7 heures par jour derrière un écran

Au-delà de ces conséquences au quotidien, des interrogations liées à la santé apparaissent également dans le débat. Stéphane Blocquaux rappelle que les 13-18 ans passent en moyenne 7 heures par jour derrière un écran, et se pose cette question : « comment on peut enquiller tout ce temps d’écran par jour en pensant raisonnablement qu’il n’y aura aucun problème sur le plan de la fatigue, de la concentration et des troubles que l’on constate aujourd’hui avec cette hyperactivité cranique ? »

Comment alors, sans devenir anti-smartphone, apprendre à réguler son utilisation pour mieux prévenir des dangers que cela engendre ? Le maître de conférence assure que cela « s’apprend jeune, car il n’y a pas tant de solutions une fois que l’on est devenu accroc », et pose cette nouvelle question : « à quel moment on va continuer à tolérer que des enfants de 10-14 ans soit H-24 derrière des écrans, des smartphones, avec des outils d’adultes dans des mains d’enfant ? »

 

Une solution radicale ?

Pour lui, cela doit passer par une solution que certains qualifieraient de radicale : l’interdiction pure et simple des smartphones pour les moins de 15 ans. « C’est très précisément le travail de recherches et le combat que je mène depuis plus de 15 ans », appuie-t-il, en précisant qu’il est « parfaitement possible d’avoir un téléphone à clapet pour appeler ses copains et sa famille, mais c’est tout. Avec le smartphone, on a accès à la pornographie et toute la connaissance du monde, pour laquelle on ne peut pas maitriser tous les tenants et les aboutissants à 11, 12, 13 ans. »

Une mesure, on s’en doute, qui serait tout, sauf populaire. Mais cette interdiction ne doit pas dépendre de la responsabilité des parents pour l’Angevin, mais de celle du gouvernement, qui ne propose actuellement que « des mesures tièdes. » En attendant de voir le cadre législatif bouger les lignes, il est possible dès maintenant de « surveiller sa consommation, comme on le fait pour le tabac ou le chocolat. Car l’ennemi, c’est l’illimitation. Avec le smartphone, c’est une addiction sans substance, donc on a plus de mal, car les effets ne sont pas immédiats. » À vous de jouer.