Reprise des compétitions internationales d'escrime : la sabreuse orléanaise Cécilia Berder « impatiente »

11 mars 2021 à 6h30 par Etienne Escuer

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Cécilia Berder lors de la Coupe du monde de sabre à Orléans en 2019.
Crédit : Rédaction / Etienne Escuer

Privée de compétition internationale en raison de la pandémie de Covid, l'escrimeuse orléanaise Cécilia Berder retrouve les joies des matchs officiels ce samedi 13 et dimanche 14 mars, à Budapest.

La dernière fois que la sabreuse orléanaise Cécilia Berder a disputé une compétition officielle, c'était il y a un an, en mars 2020. A l'époque, la vice-championne du monde par équipe 2018 ne se doutait pas qu'il se passerait 12 mois avant qu'elle ne foule à nouveau une piste d'escrime.

Quelques jours après cette Coupe du monde à Athènes, l’an passé, tout s'est enchaîné très vite. « Ça a été des montagnes russes », se remémore Cécilia Berder. « D'abord du déni, car on se disait qu'il y aurait les Jeux olympiques, que l'INSEP (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance, lieu d'entraînement des sportifs de haut niveau à Paris, NDLR) ne fermerait que pour une semaine. Et puis il y a eu le report des compétitions et l'annulation des JO. Là, ça a été très dur. »

Quand elle évoque le report des JO, la licenciée du Cercle d'escrime orléanais parle de "douleur". « Je peux comprendre que pour certaines personnes, ça paraisse fou. Mais c'était vraiment l'objectif de ma vie professionnelle, tout tournait autour de ça », confie-t-elle, en filant la métaphore cycliste : « J'avais la tête dans le guidon, il restait 200 mètres avant l'arrivée, je vais à fond, et on me dit "Ah pardon, il reste un tour, en fait". Physiquement, je n'étais pas prête à entendre ça. »

Mettre à profit cette longue pause

Cette longue pause sans compétition, Cécilia Berder, pas franchement réputée pour sa patience quand il s'agit d'escrime, a décidé de la mettre à profit. « C'était très dur, quand même. On s'était préparées pour les Jeux olympiques, on était prêtes et tout a été chamboulé. Mais vous avez deux solutions : soit vous vous plaignez, soit vous cherchez des solutions. ». Elle a choisi la deuxième option.

Ce repos forcé se serait-il finalement avéré bénéfique pour la sabreuse ? « Ça a tout de même été plus dur que positif, mais j'en ressors des choses constructives. Honnêtement, m'entendre dire que je trouverais du positif à ne pas disputer de compétitions pendant un an, je pense qu'en avril 2020, je me serais mis une baffe ! », explique-t-elle. « Ça a été positif pour mon corps, je me suis régénérée. Le matin, quand je me levais, je n'avais plus de douleurs, ça ne m'était pas arrivé depuis des années ! »

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La Finistérienne a aussi travaillé l'approche mentale : « Je me suis mise à la méditation, l'hypnose, la visualisation, le yoga, des choses qui ont fait du bien à mon cerveau ». Avec le recul, Cécilia Berder admet qu'elle était certainement « dans un état d'épuisement avancé ».

« Tout le monde repartait en Coupe du monde sauf nous ! »

Une fois de retour à l'entraînement à l'INSEP, la vice-championne du monde par équipe 2018 n'était toutefois pas au bout de ses peines. Les fédérations française et internationale ont tardé à acter la reprise des compétitions. « On voyait tous les sports, judo, lutte, taekwondo, repartir en coupe du monde, mais nous non ! », regrette-t-elle. « Tout le monde rigolait parce qu'on est quand même un sport avec de la distance et des masques... »

Cécilia Berder préfère cependant relativiser, rappelant que dans de nombreuses disciplines, loin du haut niveau et de l'attention médiatique, les compétitions n'ont pas repris non plus.

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Victorieuse du Trophée sabre 2021

Malgré un an sans compétition officielle, l'escrimeuse ne repart pas de zéro. Ces dernières semaines, ses entraîneurs ont organisé à l'INSEP une épreuve, le Trophée sabre 2021, réunissant la plupart des sabreuses françaises, et quelques étrangères, histoire de simuler au mieux une vraie compétition. « Ils avaient vraiment mis tout le décor. Dès le matin, vous arriviez avec des frissons, l'estomac noué », explique Cécilia Berder, qui s'est prise au jeu : « Vous bâclez un peu votre escrime, faites les choses de manière un peu plus maladroite. Tout ça parce qu'il y un arbitre, un pot de fleur et un décor ! » Cela n'a toutefois pas empêché Cécilia Berder de s'imposer en finale face à la Strasbourgeoise, Charlotte Lembach.

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C'est donc ce week-end, à Budapest, en Hongrie, que Cécilia Berder, tout comme l'autre sociétaire du Cercle d'escrime orléanais, Manon Brunet, fera son retour sur les pistes. « Dès samedi matin, ça va être un match à élimination directe en 15 touches. Si je le perds, c'est fini, cinq minutes après je suis sous la douche », confie-t-elle. « Je sais que tout ira plus vite, l'espace-temps sera différent, je vais être moins stratège et plus bourrin. A moi de mettre de la malice, de l'intelligence, pour retrouver cette stabilité que j'ai pu avoir pendant un an. Je suis curieuse de voir comment je vais réagir ! »

Dans quel état d'esprit appréhende-t-elle la compétition ? « Avec impatience, appréhension, curiosité », confie-t-elle. « On s'est entraînées dans une bulle, on ne sait pas quel sera le niveau de nos adversaires, comment vont les arbitres qui n'ont pas officié depuis un an, etc. Mais il y a aussi le bonheur de voyager et de porter les couleurs de l'équipe de France à nouveau ! »

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Protocole sanitaire

Outre le stress de cette compétition de reprise, les athlètes doivent aussi gérer celui lié au protocole sanitaire. Les sabreuses ont effectué des dépistages Covid tous les trois ou quatre jours ces derniers temps, et ont dû présenter un test négatif pour embarquer dans l’avion, direction la Hongrie. En arrivant à l'hôtel, à Budapest, tests encore, et isolement jusqu'au résultat. « On a interdiction de prendre les transports publics », poursuit Cécilia Berder. « Si on veut aller à l'entraînement, c'est navette obligatoire et port du masque tout le temps, sauf à l'échauffement et en match. »

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Budapest, et après ?

La saison 2021 d'escrime est-elle désormais lancée ? C'est ce que voudrait croire Cécilia Berder, mais les premières embûches arrivent déjà. La prochaine manche de Coupe du monde, prévue en Corée du Sud en avril, pourrait finalement ne pas avoir lieu. Elle a donc décidé de ne pas trop se focaliser sur l'avenir : « J'opte pour une philosophie du "jour après jour". Ça peut paraître enfantin, mais ça me fait du bien. C'est moins vertigineux, plus palpable. Je me concentre sur mon entraînement, c'est la seule chose que je peux maîtriser. »

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Cécilia Berder a tout de même coché sur son calendrier la date des Jeux olympiques, prévus à Tokyo du 23 juillet au 8 août. « C'est évidemment l'objectif de l'année », admet celle qui était restée sur une énorme déception à Rio en 2016, avec notamment une élimination lors des quarts de finale de l'épreuve par équipe face à l'Italie. L'équipe de France de sabre dames avait obtenu sa qualification pour Tokyo avant la pandémie de Covid, et la licenciée du Cercle d'escrime orléanais aurait sans doute été retenue parmi les trois athlètes sélectionnées pour l'épreuve individuelle si les Jeux avaient eu lieu l'an dernier.

Pour cette année, elle devra patienter encore un peu. Quinzième mondiale, elle occupe actuellement la troisième place dans la hiérarchie française, derrière l'autre Orléanaise Manon Brunet (n°3 mondiale) et Charlotte Lembach (14ème). « Les entraîneurs n'auront pas beaucoup de compétitions pour choisir. Est-ce qu'ils prendront en compte les résultats de l'année dernière, qui n'ont plus vraiment de valeur ? Ou est-ce qu'ils baseront sur une seule compétition cette année ? Les critères de sélection sont encore flous », explique Cécilia Berder, qui espère faire partie des trois Françaises sélectionnées pour Tokyo.

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Ce week-end, à Budapest, d'autres Orléanaises sont également du rendez-vous : Manon Brunet, numéro trois mondiale, qui reprend la compétition après quelques pépins physiques, Margaux Gimalac, Faustine Clapier et Paola Pliego.