Casino mis en demeure pour déforestation illégale

21 septembre 2020 à 8h45 par Iris Mazzacurati avec AFP

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La loi sur le devoir de vigilance oblige les sociétés qui y sont soumis à publier un plan de vigilan
Crédit : Daniele Gidsicki / wikimedia commons

Plusieurs ONG, réunies en coalition pour l'occasion, ont mis en demeure le groupe Casino par la voix de leurs avocats pour non-respect de la législation sur le devoir de vigilance. En cause, les filières d'approvisionnement en b-uf de certaines de ses filiales en Amérique du Sud.

Elles sont françaises, américaines et colombiennes. Ces associations, parmi lesquelles Notre Affaire à tous, Sherpa, Mighty Earth et Envol Vert, ont mandaté leurs avocats afin de mettre en demeure la société Casino Guichard-Perrachon "de respecter les obligations légales qui s'imposent à en matière de devoir de vigilance et de risques liés à la déforestation en Amérique du Sud", dans un courrier adressé lundi 21 septembre au PDG du groupe, Jean-Charles Naouri.

Cette démarche s’appuie sur un rapport de l’association Envol Vert, publié en juin. Il mettait en lien quatre fermes liées à la déforestation illégale au Brésil, en Amazonie et dans le Cerrado et 52 produits "vendus en rayon et aussi dans les étals de boucher de deux magasins du groupe".

"A elles seules, ces fermes représentent 4 500 hectares de forêts coupés illégalement pour laisser place au pâturage de bovins. Des terres autochtones protégées sont également converties", dénonçait le rapport de l'ONG colombienne. Dans la lettre de mise en demeure, les avocats font valoir que "l'enquête de terrain menée par Envol Vert a permis de démontrer que ces fournisseurs du groupe Casino [...] se sont régulièrement fournis auprès de fermes mises en cause dans des activités de déforestation et d'accaparement des terres indigènes".

Une exigence de traçabilité

Les ONG exigent que le groupe établisse une cartographie des risques, une traçabilité sur toute la chaîne d'approvisionnement ainsi que la mise en place d'un système d'alerte, notamment en cas de violation des droits des peuples amazoniens. "Lorsque Casino dit qu'ils ont vérifié que leurs trois principaux fournisseurs s'approvisionnent directement auprès de fermes qui ne font pas de déforestation, c'est l'objet de ce dossier de leur dire que ce n'est pas suffisant", a fait valoir Me François de Cambiaire.

Si l'entreprise "ne se met pas en conformité dans un délai de trois mois", les associations se sont dites prêtes à porter l'affaire au tribunal et à "solliciter la réparation des préjudices qui en découlent", ont déclaré les ONG dans un communiqué commun.

Un devoir de vigilance

La loi sur le devoir de vigilance invoquée oblige les sociétés de plus de 5 000 salariés en France, ou plus de 10 000 dans le monde à publier un plan de vigilance destiné à prévenir les risques en matière d'environnement, de droits humains et de corruption qui pourraient résulter de leurs activités et de celles de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants. Lors des huit premiers mois de l'année, les satellites de l'Institut national de recherches spatiales (INPE) ont identifié 6 086 km2 déboisés dans la plus grande forêt tropicale de la planète.

La déforestation avait atteint un niveau exceptionnel en 2019 (9 178 km2), la première année du mandat du président d'extrême droite Jair Bolsonaro, très critiqué pour sa politique environnementale.

La réaction du groupe Casino, transmise à l'AFP

"Alors que le Groupe Casino respecte en tous points le devoir de vigilance et porte une attention soutenue aux questions de déforestation de l’Amazonie et d’élevages bovins,  certaines ONG ont fait le choix contestable de porter sur un plan polémique et inutilement contentieux cette problématique.

Aujourd’hui le groupe rappelle que non seulement il se conforme scrupuleusement à ses obligations légales mais également qu’il ne cesse, en partenariat avec des ONG locales et internationales, d’améliorer les procédures de contrôle des fournisseurs et des fermes. C’est ainsi que depuis juillet 2020 il a mis en place un protocole de contrôle des fournisseurs de viande bovine au Brésil porté par l’ONG IMMAFLORA (procédure « Beef and Track »).

Le groupe Casino  a toujours été à l’écoute des parties prenantes pour identifier et déployer les solutions efficaces et à grande échelle dans un contexte géopolitique complexe qui nécessitent une collaboration constructive et apaisée."